Breaking Smart - Demain, j'ai ORAL de Français !

Voyage au centre de la Terre de Jules Verne en 53min - pour cartonner à l'ORAL ! 🎓

February 23, 2022 Breaking Smart Season 1 Episode 9
Breaking Smart - Demain, j'ai ORAL de Français !
Voyage au centre de la Terre de Jules Verne en 53min - pour cartonner à l'ORAL ! 🎓
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🧠  Maîtrise Voyage au centre de la Terre de #JulesVerne en 53min pour cartonner à l'oral de Français. Jules Verne, grand voyageur dans l'âme, nous fait également voyager dans ses romans avec la série des Voyages extraordinaires qui rencontre un succès phénoménal. Mais au-delà du voyage, c'est d'une véritable vulgarisation scientifique dont il s'agit, à destination de la jeunesse.
Différents romans, dont Voyage au Centre de la Terre, ont connu de nombreuses adaptations cinématographiques et ont marqué et fait rêver des générations entières.

Dans cet épisode, Nina revient de manière claire et concise sur tous les aspects de ce fameux roman ainsi que sur la biographie de Jules Verne :

✅ Le contexte littéraire et historique
✅ Le projet éditorial
✅ Les mouvements littéraires
✅ Les filiations littéraires et scientifiques
✅ La vulgarisation scientifique
✅ L'effet de réel
✅ L'imaginaire
✅ La figure du savant
✅ Le roman initiatique
✅ Le parcours associé : science et fiction

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Ce podcast est divisé en 8 parties :

👉🏼 Introduction 00:00
👉🏼 Brève biographie de Victor Hugo 00:54
👉🏼 Contexte historique 06:42
👉🏼 Le projet éditorial 13:14
👉🏼 Mouvement littéraire 19:04
👉🏼 Bref résumé de l'œuvre 23:32
👉🏼 Thèmes et axes d'analyse pour cartonner à tes épreuves de Français 26:11
👉🏼 Conclusion 55:11

À la fin de cette vidéo, tu seras capable de très bien t'en sortir lors de tes épreuves de Français 🤩 !

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Bonjour à tous ! Je vous retrouve aujourd'hui pour parler du roman de Jules Verne, Voyage au centre de la Terre, publié pour la première fois en 1864. Il appartient à l’objet d’étude « Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle » et au parcours « Science et fiction ». Je vous retrouve dans ce nouvel épisode pour vous aider à maîtriser cette œuvre. L’idée est qu’après ce temps passé avec moi vous soyez suffisamment à l’aise avec l’œuvre pour très bien vous en sortir lors de vos examens, à l’oral comme à l’écrit. Nous allons commencer par une brève biographie de l'auteur. Jules Verne naît à Nantes le 8 février 1828 et est l’aîné d’une famille de cinq enfants. Son père, qui exerce la profession d’avoué (profession juridique), se nomme Pierre-Gabriel Verne et sa mère Sophie Allotte de La Fuÿe. Dès 1833, il fréquente différentes institutions et obtient son baccalauréat sans difficulté en 1846. Destiné à suivre la carrière de son père, il entame par la suite des études de droit à Nantes. À 19 ans, il part à Paris afin de passer ses examens, et écrit déjà une première pièce de théâtre en 5 actes et en vers, Alexandre VI. Son père consent à le laisser continuer ses études à Paris. Grâce à son oncle, l’époux de la sœur aînée de Châteaubriand, le célèbre auteur des Mémoires d’Outre-Tombes, Verne fréquente des salons littéraires et fait la connaissance d’Alexandre Dumas père. Son attrait pour la littérature, et en particulier le théâtre, se confirme. En 1849, il obtient sa licence de droit et écrit de nombreuses pièces. C’est une année plus tard qu’une de ses pièces est jouée pour la première fois sur scène. Il s’agit de Pailles rompues, comédie en un acte, jouée au Théâtre historique, ouvert en 1847 par Dumas. En 1851, Verne annonce à son père sa décision de poursuivre une carrière littéraire et se consacre de plus en plus à l’écriture. Il se lie d’amitié avec Jacques Arago, un grand voyageur grâce auquel il rencontre différents scientifiques et explorateurs. Il publie plusieurs nouvelles dans le périodique, le Musée des familles grâce au soutien de son directeur, Pitre Chevalier, en occupant en parallèle la fonction de secrétaire du Théâtre lyrique. Il travaille également à de nombreuses pièces. En 1857, Verne épouse Honorine Morel. Entre 1859 et 1861, l’auteur voyage en Écosse et en Scandinavie (région comprenant la Suède, la Norvège et le Danemark) avec son ami musicien Aristide Hignard, et son unique fils Michel naît alors qu’il est absent lors de l’un de ses voyages. À cette même période, il fait la connaissance du photographe, écrivain et aéronaute Nadar ainsi que de l’éditeur Pierre-Jules Hetzel, à qui il fait lire le manuscrit d’un roman appelé d’abord Voyage en l’air, puis Cinq semaines en ballon. Après corrections, le texte est publié au début de l’année 1863 et connaît un grand succès. Cette publication marque le début de la série des Voyages extraordinaires qui occupera la vie de l’auteur jusqu’à sa mort. En 1864, Verne signe un second contrat avec l’éditeur et son texte les Anglais au pôle Nord (la première partie des Aventures du capitaine Hatteras) paraît en feuilleton dans le bimensuel lancé par Hetzel, le Magasin d’éducation et de récréation, destiné à la jeunesse. Il y publie également un article sur Edgar Poe intitulé « Edgard Poe et ses œuvres ». Voyage au Centre de la Terre paraît chez Hetzel à la fin de l’année 1864, avant une seconde publication en 1867. Le succès est rapidement au rendez-vous. Paraissent par la suite entre autres De la Terre à la Lune (1865) et Les Aventures du Capitaine Hatteras (1866). En 1867, il voyage avec son frère à bord d’un immense navire à destination de l’Amérique. Sa passion pour la navigation se concrétise dans l’achat d’un bateau nommé le « Saint-Michel », à bord duquel il réalisera de nombreux voyages. En 1870 paraît le second volume de Vingt mille lieues sous les mers (le premier en 1869) dont le nombre d’exemplaires vendus est considérable pour l’époque, ainsi qu’Autour de la Lune. La même année, il reçoit la croix de la Légion d’honneur par Napoléon III. En 1871, il s’installe à Amiens avec sa famille, ville qu’il habitera jusqu’à sa mort. D’autres romans importants sont publiés, dont Le Tour du monde en quatre-vingt jours en 1873, le plus grand succès de l’écrivain, L’Île Mystérieuse en 1874, et Michel Strogoff en 1876. Les Voyages extraordinaires sont par ailleurs couronnés par l’Académie française en 1872. Au niveau personnel, les relations avec son fils Michel, qui connaît entre autres des démêlés avec la police, sont très houleuses. Par ailleurs, en 1886, lors d’une crise de folie, son neveu lui tire un coup de revolver dans le pied, ce qui le rendra infirme. La même année, Hetzel meurt et est remplacé à la tête de la maison d’édition par son fils. Les publications se poursuivent à un rythme régulier de deux volumes par an. La tension avec son fils Michel retombe et les deux hommes vont même entamer une collaboration littéraire sur certains ouvrages. Différents événements vont fragiliser l’auteur comme le décès de son frère en 1897 ou son état de santé précaire qui s’aggrave passablement en 1904, suite à une forte attaque de diabète. Il finit par en mourir le 24 mars 1905. Ses romans posthumes, qu’il avait terminés lors des années précédant sa mort grâce à un rythme de travail effréné, sont publiés chez Hetzel à une fréquence de deux volumes par an jusqu’en 1910. Le dernier des Voyages extraordinaires, l’Étonnante Aventure de la mission Barsac est parue chez Hachette en 1919, après le rachat de la maison Hetzel en 1914.

Nous allons maintenant aborder le contexte historique et littéraire de l'oeuvre, en commençant par un tour d'horizon du 19e siècle période d'instabilité politique et de développement technique. Lorsque Jules Verne naît, la France connaît la Restauration depuis 1814. En effet, après la chute du Premier Empire napoléonien, un roi règne à nouveau sur le pays. Charles X succède à Louis XVIII en 1824 et décide d’une série de mesures visant à accroître son pouvoir : dissolution de l’Assemblée et de la Chambre, suppression de la liberté de la presse ou encore diminution du nombre d’électeurs. Le peuple, en colère suite à ces décisions, va se soulever lors de ce qu’on a appelé les Trois Glorieuses en juillet 1830 et le roi se trouve contraint de partir en exil. Louis-Philippe accède alors au trône de France. Le peuple se soulève une seconde fois en 1848, victime d’une grave crise économique due entre autres à de mauvaises récoltes. Des barricades sont installées dans la ville et la République est proclamée après l’abdication du roi. Certains progrès sociaux sont acquis à ce moment-là comme la liberté de la presse, inscrite dans la nouvelle Constitution ou le suffrage universel. Ce dernier n’est cependant pas encore accordé aux femmes et ne le sera qu’en 1945, après plusieurs siècles de luttes. La bourgeoisie conservatrice s’associe aux monarchistes pour nommer le président Louis-Napoléon Bonaparte, le neveu du premier empereur. Diverses lois allant clairement à l’encontre de l’esprit révolutionnaire de 1848 sont votées, et les libertés acquises diminuent progressivement. Le Second Empire est proclamé en 1852 après un nouveau coup d’État. Toute opposition est sévèrement réprimée et le contrôle sur la population se fait très étroit. Par ailleurs, la France cherche à nouveau à agrandir ses possessions coloniales, mais en 1870, une guerre se déclare contre la Prusse. Pendant le conflit, Verne est garde national au Crotoy, pendant que sa famille réside à Amiens. L’auteur est plutôt favorable à la chute de l’Empire et à la proclamation de la République, mais il est indigné par la Commune, le gouvernement insurrectionnel proclamé alors. La répression sera extrêmement violente et plusieurs dizaines de milliers de communards sont tués, condamnés ou déportés. La Troisième République est nommée et perdurera jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Nous pouvons évoquer rapidement la situation de l’Allemagne et de l’Islande au moment de la rédaction, dans la mesure où le roman prend place entre autres dans ces deux pays. En réalité, l’Allemagne n’existe pas encore en tant que telle. Il faudra en effet attendre 1871 pour que la réunification des divers états indépendants, dont faisait partie la Prusse, ait lieu sous l’impulsion de Bismarck. L’Empire allemand est créé, à la suite de la victoire contre la France. Quant à l’Islande, elle appartient alors au royaume Danemark-Norvège. Elle ne deviendra indépendante qu’en 1944. Malgré l’instabilité politique ambiante, le XIXe siècle est marqué par un fort développement économique, technique et scientifique. La Révolution industrielle, entamée dès 1780 en Angleterre, fait émerger de nouvelles techniques et bouleverse les modèles économiques préexistants. L’explosion démographique, conjuguée à l’importance croissante de l’industrie, fait émerger deux classes distinctes : la classe ouvrière et la bourgeoisie. La seconde s’enrichit notamment grâce à l’effort de la première, qui vit et travaille dans des conditions insoutenables. Environ au milieu du siècle, un optimisme technologique apparaît en France à la suite des progrès techniques et à l’application des acquis de la Révolution industrielle sur le continent. En effet, dès la fin du XVIIIe siècle, d’importantes innovations techniques voient le jour en Angleterre : la machine à vapeur, la mécanisation de l’industrie ou encore les progrès de la métallurgie… La production devient globale et ouvre la porte à tout un développement industriel. Les Expositions universelles, dont la première a lieu en 1851 au Crystal Palace de Londres, suivie de plusieurs éditions à Paris entre 1855 et 1900, marquent un tournant et sont le lieu de mise en scène du progrès. Le développement de la technique est considérable à tout point de vue et particulièrement perceptible au cours du siècle. Au moment où Verne naît, on se déplace encore très difficilement et lentement à la surface du globe. Par exemple, la France ne compte pas de voie ferrée. Le chemin de fer ne se développe en effet véritablement que sous Napoléon III et 1800 km de voies ferrées sont construites en 1847. En 1870, il y en aura dix fois plus. Les progrès en matière nautique sont également indéniables. On emploie la roue à aubes, puis l’hélice, et les coques de bateau sont désormais en métal. Le développement des appareils marins se construit parallèlement au développement des appareils aériens. En effet, les ballons sont très présents dans le ciel français lorsque Verne se saisit de cette thématique dans ses œuvres, et des penseurs et ingénieurs, dont Nadar et Ponton d’Amécourt, se penchent sur ces problématiques en essayant de concevoir des appareils aériens plus performants. Enfin, les techniques de reproduction de l’image et du son sont en plein essor : Edison invente le phonographe en 1877 et le cinématographe Lumière voit le jour en 1895. Au niveau scientifique, de nombreux domaines connaissent des progrès significatifs. Darwin élabore sa théorie de l’évolution, la médecine se développe grâce aux travaux menés entre autres par Louis Pasteur et Claude Bernard, Marcellin Berthelot fait connaître à la chimie de grandes avancées, tandis qu’Urbain Le Verrier fait progresser l’astronomie notamment grâce à sa découverte de la planète Neptune. Au niveau géographique, la série des Voyages extraordinaires parait à partir de 1863, en pleine période d’expansion coloniale. Un goût certain pour l’exotisme se développe et les « trésors » du colonialisme se donnent également à voir lors des Expositions universelles. Cet attrait pour l’Ailleurs, cher notamment aux écrivains romantiques, sera repris dans les romans de Verne, dont l’action se déroule la plupart du temps dans des lieux étrangers ou pas encore explorés.

Nous allons maintenant aborder le projet éditorial de Verne. L’œuvre de Verne est remarquable par sa richesse, sa régularité et son étendue. En effet, 62 romans et 17 nouvelles composent les Voyages extraordinaires, publiés sur une période de 48 ans (de 1863 à 1910). Le premier roman de la série est Cinq semaines en Ballon qui paraît le 24 décembre 1862. L’auteur signe différents contrats avec l’éditeur Hetzel, et l’arrangement définitif prévoit la publication de deux volumes par an. Le rythme de publication va se poursuivre encore cinq ans après le décès de Verne. Les Voyages extraordinaires sont un projet littéraire de grande envergure qui peut s’apparenter aux grands cycles littéraires du siècle comme celui de La comédie humaine de Balzac ou les Rougon Macquart de Zola. Néanmoins, l’intérêt marqué pour la connaissance scientifique apparaît comme un trait littéraire novateur. Le projet est préalablement établi et est décidé autant par l’éditeur que par l’auteur. Le but du projet est explicitement décrit par Hetzel dans L’Avertissement de l’éditeur, qui précède l’édition des Aventures du Capitaine Hatteras publiée le 25 septembre 1866, et sert en quelque sorte de préface à tous les récits des Voyages extraordinaires : « …Il a fallu faire place dans nos journaux aux comptes rendus de l’Académie des Sciences, il faut bien se dire que l’art pour l’art ne suffit plus à notre époque, et que l’heure est venue où la science a sa place dans le domaine de la littérature […] Les ouvrages parus et ceux à paraître embrasseront ainsi dans leur ensemble le plan que s’est proposé l’auteur, quand il a donné pour sous-titre à son œuvre celui de Voyages dans les mondes connus et inconnus. Son but est, en effet, de résumer toutes les connaissances géographiques, géologiques, astronomiques, physiques amassées par la science moderne, et de refaire, sous la forme attrayante et pittoresque qui lui est propre, l’histoire de l’univers ». La double visée du projet est donc claire : description géographique et vulgarisation scientifique. Cette volonté de poursuivre une visée encyclopédique revendiquée et aussi étendue dans des ouvrages littéraires est nouveau pour l’époque. Nous retrouvons donc appliquée à la littérature cette visée encyclopédique privilégiée au XVIIIe siècle. Non seulement les romans sont pensés comme une somme des connaissances de son temps, mais ils sont surtout destinés à la jeunesse. Cette décision est à nouveau celle de l’éditeur, Jules Verne n’ayant en effet jamais envisagé d’écrire pour la jeunesse. Ce nouveau public renforce l’aspect didactique de l’œuvre. Les romans sont destinés à illustrer pour la jeunesse la somme des savoirs acquis par la société dont ils feront bientôt partie. Le contenu pédagogique et la vulgarisation scientifiques sont donc au cœur du projet, mais une mise en récit est indispensable pour intéresser les plus jeunes. C’est donc la forme du voyage qui est choisie, car elle permet de présenter une science qui va sur le terrain et offre une grande liberté narrative. Se dessinent alors les grands thèmes de l’exploration géographique et de la fiction scientifique. L’intérêt de Verne pour la science ne trouve pas vraiment d’origine dans ses jeunes années. Il dira d’ailleurs même qu’il ne connaît pas de réel intérêt pour ce domaine : « Je ne peux pas dire que je suis particulièrement emballé par la science. En vérité, je ne l’ai jamais été : c’est- à-dire que je n’ai jamais suivi d’études scientifiques ni même fait d’expériences. Mais quand j’étais jeune, j’adorais observer le fonctionnement des machines. » Cet élément nous permet de rappeler que Verne n’est pas un scientifique, et que le projet de romans scientifiques apparaîtra seulement dans les années 1862-1864, influencés par plusieurs figures marquantes. La première est le caricaturiste et photographe Nadar qui s’intéresse à ce moment-là à l’aérostation. Le premier roman de Verne, Cinq semaines en ballon est très probablement inspiré des préoccupations de son ami. Le romancier participera par ailleurs dès 1863 à la « Société d’encouragement pour la locomotion aérienne au moyen d’appareils plus lourds que l’air », fondée justement par Nadar. C’est peut-être également ce dernier qui a fait connaître Edgar Poe à Verne. L'écrivain est fasciné par cet auteur américain et lui consacre un article en 1863. Il s’inspire notamment de ses Histoires extraordinaires. Mais la rencontre la plus déterminante dans l’élaboration du projet littéraire de Verne reste bien-sur Hetzel dont il fait connaissance autour de 1862. Ce dernier voulait lancer une collection réservée à la jeunesse avec son ami Jean Macé, mais également créer une revue présentant les découvertes de la science moderne. Ils fondent alors en 1864 le Magasin d’éducation et de récréation qui connaît tout de suite un grand succès, et dont la publication va se poursuivre jusqu’en 1906. Hetzel saisit rapidement le rôle que peut jouer Verne dans son entreprise. À partir de 1864 ce sont donc presque tous les romans du jeune romancier qui sont publiés dans le Magasin avant de paraître dans la collection Hetzel. C’est en 1866, avec Les Aventures du capitaine Hatteras, que commence la publication des romans dans la célèbre Bibliothèque d’éducation et de récréation, réunis sous le titre de Voyages extraordinaires. Les deux hommes demeureront très proches et l’implication de l’éditeur dans le projet littéraire de l’auteur est central.

Nous passons maintenant aux mouvements littéraires en portant pour l'oeuvre de verne. Au moment où Verne entame ses Voyages extraordinaires, les mouvements littéraires dominants sont le romantisme et le réalisme. Le premier se caractérise par un refus de toute forme de contraintes et d’académisme, et se construit en cela en opposition au classicisme et à la rationalité philosophique des XVII et XVIIIe siècle. Le sentiment est privilégié à la raison et ses thèmes importants sont, l’expression du moi, un rapport central avec la nature et la recherche d’un Ailleurs, pour fuir un ennui profond et mélancolique, ainsi qu’un attrait pour le fantastique. Quant au réalisme, il revendique un clair rejet de l’idéalisation romantique et se propose de montrer la réalité sociale. Voyage au Centre de la Terre est à la croisée de ces différentes influences. Par son thème de quête presque fantastique au cœur de la Terre, il s’approche du romantisme, mais son attachement à la vraisemblance et son projet scientifique le font tendre vers le réalisme. Par ailleurs, l’œuvre peut également se rapprocher du roman d’aventures, qui devient un genre à part entière au XIXe siècle. Parmi ces romans d’aventures, nous pouvons citer Les Trois mousquetaires, d’Alexandre Dumas (1844), ou, plus tard, L’Île aux Trésors, de Robert Louis Stevenson. Jules Verne est également rapproché au genre de la science-fiction, dont il est parfois considéré comme le père, mais nous reviendrons sur cette question dans notre dernière partie.

Nous abordons maintenant les filiation littéraire et scientifique de l'oeuvre. Le thème du voyage dans les profondeurs n’est pas inventé par Jules Verne, et plusieurs auteurs l’ont traité avant lui. Voyage au centre de la Terre est en effet à mettre en parallèle avec différents modèles littéraires. En premier lieu, nous pouvons citer l’épopée antique que Verne connaissait. La très célèbre descente aux Enfers d’Énée au livre VI de l’Énéide est un motif littéraire très important. Verne cite par ailleurs deux fois Virgile aux chapitres XI et XVIII, ce qui explicite encore davantage la filiation. D’autres auteurs plus contemporains se sont saisis du thème de l’exploration des profondeurs, dont Novalis dans Heinrich von Ofterdingen en 1802, Hoffmann dans Les Mines de Falun en 1819 ou encore Georges Sand dans son roman Laura. Voyage dans le cristal paru en 1864. Si on ne sait pas si Verne a lu Novalis, il est certain qu’il a lu les ouvrages d’Hoffmann et de Sand dans la mesure où il était un grand admirateur du premier, qu’il cite d’ailleurs dans le roman, et qu’il connaissait la seconde. L’intrigue du roman de Verne apparaît d’ailleurs passablement similaire à celui de Sand et l’influence de cette dernière dans l’élaboration de Voyage au Centre de la Terre paraît importante. En effet, le texte de Sand raconte l’histoire d’un jeune homme prénommé Alexis, également neveu d’un minéralogiste allemand et amoureux de sa jeune cousine, parti pour mener une expédition au Pôle Nord. Au niveau scientifique, l’auteur s’est inspiré de thèses de plusieurs penseurs contemporains. Il a notamment dû s’appuyer sur les textes de Charles-Joseph Sainte-Claire Deville qui était un ami d’Hetzel. Ce dernier s’était intéressé aux phénomènes sismiques et aux volcans et s’était même rendu au Stromboli, le volcan situé en Sicile apparaissant dans le roman. Par ailleurs, Louis Figuier, un grand vulgarisateur scientifique, publie en 1862, La Terre avant le déluge, un ouvrage de vulgarisation géologique dont Verne s’est très probablement servi. Le choix de l’Islande est certainement motivé par l’ouvrage Voyage dans les Mers du Nord à bord de la Corvette « La Reine Hortense » (1857) écrit par un ami de Sand, Charles-Edmond Chojecki et cité par Verne au chapitre X de Voyage au Centre de la Terre. Par ailleurs d’autres scientifiques contemporains comme Cuvier, Brongniart, Berthes, Milne-Edwards, Quatrefages et Élie de Beaumont se sont intéressés à l’étude des sols et aux espèces préhistoriques. Verne reprend leurs théories dans l’élaboration de son roman et les cite directement dans le texte.

Nous allons maintenant rapidement résumer le roman. Le roman commence à Hambourg, au n.19 de la Königstrasse, dans la maison du professeur Lidenbrock, géologue et minéralogiste passionné et colérique vivant avec son neveu Axel, sa filleule Graüben dont Axel est amoureux, ainsi que la bonne et cuisinière Marthe. Un jour, le professeur fait une découverte de taille : il remarque un cryptogramme mystérieux sur le manuscrit d’un certain alchimiste du XVIe siècle, Arne Saknussemm. Malgré son acharnement, le professeur ne parvient pas à déchiffrer le cryptogramme et c’est Axel, aidé par le hasard, qui va finalement en percer le secret. L’alchimiste islandais y rapporte comment il a effectué un voyage jusqu’au centre de la terre en passant par le cratère éteint du volcan Sneffels en Islande. Malgré les réticences de son neveu, le professeur embarque ce dernier, pour tenter à leur tour l’aventure. Après une première escale à Copenhague, les deux hommes débarquent à Reykjavik et prennent pour guide Hans, un mystérieux islandais. Le petit groupe traverse l’Islande pour se rendre au fameux cratère du Sneffels où le voyage dans les entrailles du globe commence alors. Les trois hommes se voient contraints de surmonter plusieurs périples dont le manque d’eau ou encore la séparation, lorsqu’Axel se trompe de chemin et se retrouve égaré dans les profondeurs. Le groupe est néanmoins réuni sur la rive d’une immense mer intérieure éclairée par un phénomène électrique étrange, et baptisée par la suite Mer Lidenbrock. Dans ce mystérieux environnement, ils découvrent des plantes et des animaux préhistoriques encore bien vivants et assistent même au combat d’un ichtyosaure et d’un plésiosaure. Ils tentent alors d’embarquer sur la mer afin de poursuivre leur périple, mais, pris dans une violente tempête, ils sont rejetés sur un autre rivage, sur lequel ils découvrent un fossile humain et finissent même par apercevoir de loin une créature humaine préhistorique. Les trois hommes se croient d’abord perdus avant de retrouver les traces de Saknussem. Cependant, une énorme roche bloque le chemin qu’ils sont apparemment censés suivre. Axel décide alors de faire sauter l’obstacle, mais l’explosion provoque une éruption violente, et le groupe est expulsé par le cratère du Stromboli en Sicile avec une remontée vertigineuse. De retour à Hambourg, le professeur Lidenbrock devient un scientifique renommé et Axel peut finalement épouser Graüben qui lui avait promis sa main si l’épopée aboutissait.

Maintenant, je vais vous parler des thèmes principaux de l’œuvre afin que vous puissiez, quel que soit le passage sur lequel vous tombez lors de vos épreuves, impressionner les experts à l’oral comme à l’écrit. Nous allons commencer par le thème de la vulgarisation scientifique. Comme nous l’avons souligné, le projet des Voyages extraordinaires était de présenter des savoirs scientifiques à destination de la jeunesse, en les intégrant dans Ia forme narrative du voyage. Le Voyage au centre de la terre, le second roman de la série, ne déroge pas à la règle. Il fait partie de la catégorie des ouvrages d’exploration, dans lesquels un groupe de voyageurs décide d’aller explorer une région du monde peu ou pas connue. Une idée scientifique de base sous-tend cependant toujours le projet. Ici, l’idée est de vérifier la théorie du feu central. Pour satisfaire le projet imaginé avec l’éditeur, il fallait donc trouver des moyens de partager les savoirs acquis dans le domaine de la géologie et de la paléontologie. Différentes problématiques sont relevées et débattues au fil du roman. Par exemple, au chapitre VI, Verne s’attaque au problème de la nature interne du globe. Ici, comme souvent, Verne choisit la forme du dialogue pour exposer de façon plus dynamique et didactique les éléments théoriques qu’il désire transmettre. Axel défend la théorie selon laquelle le centre de la Terre est une masse de gaz incandescent tandis que le professeur Lidenbrock lui expose la thèse de Poisson et d’autres géologues : si le centre du globe était aussi chaud qu’on le prétendait, l’écorce terrestre ne pourrait pas résister à la poussée des gaz : « Eh bien, je te dirai que de véritables savants, Poisson entre autres, ont prouvé que, si une chaleur de deux millions de degrés existait à l’intérieur du globe, les gaz incandescents provenant des matières fondues acquerraient une élasticité telle que l’écorce terrestre ne pourrait y résister et éclaterait comme les parois d’une chaudière sous l’effort de la vapeur. – C’est l’avis de Poisson, mon oncle, voilà tout. – D’accord, mais c’est aussi l’avis d’autres géologues distingués, que l’intérieur du globe n’est formé ni de gaz ni d’eau, ni des plus lourdes pierres que nous connaissions, car, dans ce cas, la terre aurait un poids deux fois moindre. – Oh ! avec les chiffres on prouve tout ce qu’on veut ! » Différents éléments narratifs servent par la suite de déclencheurs à des explications scientifiques comme la présence au chapitre XX d’une mine de charbon non exploitée par l’homme qui permet d’expliquer la formation de la houille, ou encore la transe d’Axel face à la mer intérieure et aux fossiles, qui permet de remonter jusqu’aux origines de la vie sur Terre : « Cependant mon imagination m’emporte dans les merveilleuses hypothèses de la paléontologie. Je rêve tout éveillé. Je crois voir à la surface des eaux ces énormes Chersites, ces tortues antédiluviennes, semblables à des îlots flottants. Il me semble que sur les grèves assombries passent les grands mammifères des premiers jours, le Leptotherium, trouvé dans les cavernes du Brésil, le Mericotherium, venu des régions glacées de la Sibérie. Plus loin, le pachyderme Lophiodon, ce tapir gigantesque, se cache derrière les rocs, prêt à disputer sa proie à l’Anoplotherium, animal étrange, qui tient du rhinocéros, du cheval, de l’hippopotame et du chameau, comme si le Créateur, pressé aux premières heures du monde, eût réuni plusieurs animaux en un seul. […] » Cette transe permet d’énumérer quasi systématiquement les espèces préhistoriques tout en les intégrant dans un passage narratif agréable à parcourir pour le lecteur. De plus, Verne fait directement référence à plusieurs scientifiques et aux découvertes récentes en termes de géologie et de paléontologie. Certains d’entre eux sont directement cités dans le texte et leurs théories sont reconnaissables. Des débats contemporains sont parallèlement intégrés dans la fiction, et le professeur Lidenbrock est présenté comme un acteur central de ces questionnements, comme cette explication se situant juste après la découverte par le professeur d’un crâne humain dans les profondeurs de la terre : « Le 28 mars 1863, des terrassiers fouillant sous la direction de M. Boucher de Perthes les carrières de Moulin-Quignon, près Abbeville, dans le département de la Somme, en France, trouvèrent une mâchoire humaine à quatorze pieds au-dessous de la superficie du sol. C’était le premier fossile de cette espèce ramené à la lumière du grand jour. […] Aux géologues du Royaume-Uni qui tinrent le fait pour certain, MM. Falconer, Busk, Carpenter, etc., se joignirent des savants de l’Allemagne, et parmi eux, au premier rang, le plus fougueux, le plus enthousiaste, mon oncle Lidenbrock. L’authenticité d’un fossile humain de l’époque quaternaire semblait donc incontestablement démontrée et admise. Ce système, il est vrai, avait eu un adversaire acharné dans M. Élie de Beaumont. […] Mon oncle Lidenbrock, de concert avec la grande majorité des géologues, avait tenu bon, disputé, discuté, et M. Élie de Beaumont était resté à peu près seul de son parti. » La désignation de lieux et de scientifiques réels au milieu de la fiction permet de renforcer la vraisemblance scientifique du texte et la légitimité du savant Lidenbrock, tout en présentant de façon condensée les dernières découvertes et discussions dans le domaine de la géologie et de la paléontologie. Certaines notes de bas de page, intégrées par Verne lui-même, viennent parfois appuyer et développer le propos de l’auteur et ajouter une dimension scientifique claire au récit. Tout est fait pour que le lecteur apprenne des choses au fil de sa lecture. Nous pouvons par exemple citer l’explication des lampes de Ruhmkroff au chapitre XI et celle de la période silurienne au chapitre XIX. Les termes savants sont donc omniprésents dans le texte, même si, dans les premiers chapitres ils sont utilisés de façon ironique, pour se moquer du défaut de prononciation du professeur : « Or, il y a en minéralogie bien des dénominations semi-grecques, semi-latines, difficiles à prononcer, de ces rudes appellations qui écorcheraient les lèvres d’un poète. Je ne veux pas dire du mal de cette science. Loin de moi. Mais lorsqu’on se trouve en présence des cristallisations rhomboédriques, des résines rétinasphaltes, des ghélénites, des fangasites, des molybdates de plomb, des tungstates de manganèse, et des titaniates de zircône, il est permis à la langue la plus adroite de fourcher » Ces termes servent par la suite véritablement le projet scientifique. En conclusion, Verne use de diverses stratégies narratives pour intégrer les connaissances scientifiques et, selon le projet éditorial, les transmettre à la jeunesse de façon claire et didactique : la description au travers des yeux des personnages, le dialogue, les passages explicatifs pris en charge par le narrateur, ou encore la présence de notes de bas de page.

Nous abordons maintenant l'importance de l'effet de réel. Très attaché à la vraisemblance, Verne utilise différents procédés dans ses textes pour renforcer l’effet de réel. L’expression « effet de réel » est théorisée par Roland Barthes en 1968, et désigne tous les éléments d’un texte dont la fonction est de donner l’impression au lecteur que le texte prend place dans le monde réel. Chez Verne, la chronologie prend en premier lieu un rôle important. Elle est toujours très clairement exprimée dans les Voyages extraordinaires, et le Voyage au centre de la Terre ne fait pas exception des dates précises sont indiquées tout au long du récit et notamment au début du texte, dont l’incipit est le suivant : « Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle Lidenbrock revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l’une des plus anciennes rues du vieux quartier de Hambourg ». La date n’est d’ailleurs pas choisie au hasard, car elle fait référence au passé immédiat. Le moment où les trois hommes terminent leur aventure et retournent chez eux au terme de leur périple, correspond donc à peu près au moment de la lecture du texte par les contemporains (le texte est publié en 1864). En plus des dates, comme nous l’avons déjà dit, ce sont également la présence de noms de savants réels, auxquels est affilié Lidenbrock, qui contribue à renforcer la vraisemblance scientifique des théories exposées dans le texte et l’ancrage du lecteur dans la réalité. La mention d’un prétendu traité publié par Lidenbrock participe du même projet : « En 1853, il avait paru à Leipzig un Traité de Cristallographie transcendante, par le professeur Otto Lidenbrock, grand in-folio avec planches, qui cependant ne fit pas ses frais ». La description de la préparation de l’expédition ainsi que la liste de matériel sont également dépeintes de façon extrêmement précise, ce qui pousse à nouveau le lecteur à considérer l’expédition comme crédible. Tous les aspects de l’aventure semblent réglés avec minutie et les protagonistes se servent d’appareils modernes comme la lampe de Ruhmkorff. Pour finir, ce n’est pas seulement au niveau du récit que Verne multiplie les effets de réel, mais également dans l’énonciation même du roman. En effet, le roman est narré à la première personne par le jeune Axel, et des extraits d’un prétendu journal de bord aux chapitres XXXII à XXXV sont là pour accentuer la vraisemblance lors des moments qui paraissent peut-être le moins réalistes, comme celui du combat des monstres marins : « Je me bornerai donc à reproduire ici ces notes quotidiennes, écrites pour ainsi dire sous la dictée des événements, afin de donner un récit plus exact de notre traversée. ».

Nous pouvons désormais aborder le thème de l'imaginaire. Malgré l’importance de l’aspect de la vraisemblance scientifique soutenue par différentes stratégies d’effets de réel, le roman contient une grande part de fantastique voire de merveilleux. La science n’y apparaît pas détachée de tout mystère. Dans un premier temps, nous pouvons relever la multiplicité de références à la mythologie présentes dans le texte, soit par le terme même de mythologie : « Le soir, après avoir coupé à gué deux rivières riches en truites et en brochets, l’Alfa et l’Heta, nous fûmes obligés de passer la nuit dans une masure abandonnée, digne d’être hantée par tous les lutins de la mythologie scandinave ; à coup sûr le génie du froid y avait élu domicile, et il fît des siennes pendant toute la nuit. » Soit par des lieux ou des figures issues de la mythologie comme ici les mentions de Strongyle et d’Éole : « Nous ne pensions guère à lui! Le Stromboli! Quel effet produisit sur mon imagination ce nom inattendu ! Nous étions en pleine Méditerranée, au milieu de l’archipel éolien de mythologique mémoire, dans l’ancienne Strongyle, ou Éole tenait à la chaîne les vents et les tempêtes ». En plus d’Éole, Verne cite également Pluton, Protée, Œdipe, la figure de la naïade et celle d’Ajax. Plusieurs mentions du terme de « labyrinthe » sont d’ailleurs à relever, en lien avec la mythologie. Enfin, le bateau qui emmène les deux hommes en Islande se nomme La Valkyrie, du nom des divinités nordiques. En plus des références mythologiques, des références littéraires ponctuent également l’œuvre et renforcent l’importance de l’imaginaire ; comme ici la réflexion d’Axel lorsque le navire longe les côtes d’Elseneur et qu’il mentionne le personnage d’Hamlet, créé par Shakespeare dans une pièce du même nom en 1603 : « Dans la disposition nerveuse où je me trouvais, je m’attendais à voir l’ombre d’Hamlet errant sur la terrasse légendaire ». L’œuvre cite également Virgile, mais aussi des auteurs plus directement liés au genre fantastique comme Hoffmann, qui écrivaient des contes dans un style que Verne appréciait particulièrement. En effet, Verne lui-même avait rédigé des œuvres aux inspirations gothiques et fantastiques (on n’oublie pas sa fascination pour Poe) comme Maître Zaccharius, une nouvelle de jeunesse, ou encore le Château des Carpathes. Le fantastique prend une place de plus en plus importante au fil du récit et le basculement a lieu au moment de l’arrivée dans la grotte et de la découverte d’un monde sous-terrain au chapitre 29. Les références géologiques font place aux références paléontologiques, qui permettent plus de libertés à l’auteur. Comme si le lecteur était désormais convaincu de la vraisemblance du projet grâce à tous les éléments exposés auparavant, et que l’auteur pouvait se laisser aller à un fantastique plus marqué. Le discours scientifique devient insuffisant et les justifications de phénomènes ne sont pas satisfaisantes, comme ici, lorsque la présence des nuages ne peut être expliquée par Axel : « J’aurais cru que, sous une pression aussi forte de l’atmosphère, l’évaporation de l’eau ne pouvait se produire, et cependant, par une raison physique qui m’échappait, il y avait de larges nuées étendues dans l’air. ». Cet émerveillement des personnages est rendu entre autres possible dans le texte par le voyage des savants, qui se rendent directement sur le terrain et peuvent admirer leurs découvertes par leurs propres yeux. C’est principalement cet élément-là qui explique l’importance du motif du voyage et la « poétisation » du savoir scientifique. On en trouve la trace par exemple au chapitre XXII lorsqu’Axel est émerveillé par les étincellements du micaschiste (roche métamorphique) : « Je m’imaginais voyager à travers un diamant creux, dans lequel les rayons se brisaient en mille éblouissements ». Au contraire, le professeur Lidenbrock semble enfermé dans la connaissance théorique et s’extasie peu face aux merveilles naturelles qu’ils découvrent. Pour terminer, il ne faut pas oublier que dans l’édition originale, des gravures d’Édouard Riou accompagnaient le texte, ce qui accentuait encore l’aspect fantastique du récit (gravures des plantes géantes, du combat de monstres, des grottes étincelantes…), tout en offrant une vision concrète aux lecteurs. En effet, à la manière de photographies, les gravures semblent d’une certaine manière attester la réalité des événements décrits.

Nous passons maintenant à la figure de savant présente dans le texte. La figure du savant occupe une place très importante dans la modernité. Deux types de savants s’affrontent dans la littérature du XIXe (selon le critique Jacques Noiray) : le savant positiviste et le savant romantique. Le premier est une figure sérieuse, patiente, économe, travailleuse et la seconde a une image plus ambigüe qui s’inspire des médecins moqués pendant de longs siècles (on pense à Molière et son malade imaginaire) ou des alchimistes du Moyen Âge. L’image du savant ridicule est donc récurrente au XIXe siècle. Lidenbrock se situe au croisement de ces différentes représentations et est en cela une figure ambigüe. Verne défend en effet la science et sa puissance, mais de nombreux savants ambigus peuplent ses œuvres. Lidenbrock apparaît simultanément comme un scientifique reconnu aux connaissances immenses, et comme un personnage ridicule. Le ridicule est à la fois physique et moral. Chez Lidenbrock, il se perçoit d’abord dans sa description physique: « homme grand, maigre » aux « gros yeux roulant sans cesse derrière ses lunettes considérables », au « nez long et mince ressemblant à une lame affilée », faisant des « enjambées mathématiques d’une demi-toise ». Il bégaye également ce qui contribue à ce qu’on ne le prenne pas au sérieux : « Donc, dans la ville, on connaissait cette pardonnable infirmité de mon oncle, et on en abusait, et on l’attendait aux passages dangereux, et il se mettait en fureur, et l’on riait, ce qui n’est pas de bon goût, même pour des Allemands. Et s’il y avait donc toujours grande affluence d’auditeurs aux cours de Lidenbrock, combien les suivaient assidûment qui venaient surtout pour se dérider aux belles colères du professeur ! ». Au niveau moral, un trait de caractère ressort : la colère, qui est un moteur comique important. Lidenbrock est qualifié de « terrible original » par son neveu. Ses comportements peuvent même parfois être assimilés à la folie : « il tire les feuilles de ses plantes en pot pour les faire pousser plus vite ». Cependant, il n’est pas foncièrement inquiétant ou menaçant pour autant, comme peuvent l’être plus clairement d’autres savants verniens comme le capitaine Nemo dans Vingt Mille lieues sous les mers. Même s’il est colérique, il reste gentil, comme le souligne Axel : « il n’est pas un méchant homme ». Son caractère impétueux, ses colères, ses décisions spontanées, ses obsessions font avancer l’intrigue et maintiennent l’intérêt du lecteur. C’est également un véritable savant aux nombreuses connaissances. C’est d’ailleurs sa passion pour la science qui est à l’origine de l’aventure. De plus, ses qualités se révèlent au fur et à mesure du roman. Il est d’abord qualifié d’égoïste, mais il réserve la fin de l’eau pour son neveu. Il paraît également insensible, mais il se révèle très inquiet lorsqu’Axel disparaît et extrêmement soulagé de le retrouver vivant.

Nous passons maintenant au dernier thème important, celui du roman initiatique. Les romans de Verne peuvent être classés en plusieurs types. Voyage au centre de la Terre fait partie de la catégorie des voyages d’exploration et de quête. Simone Vierne, une critique littéraire, a théorisé le fait que Voyage au Centre de la Terre était un véritable roman initiatique s’inscrivant dans la lignée des mythes et des rituels religieux. Le modèle du roman d’initiation est fixe et prédéfini. Voyage au Centre de la Terre est le modèle type des romans d’initiation chez Verne. Il décrit un groupe de personnages, mené par un chef, partant vers l’inconnu, le mystérieux. Ils atteignent, au moins partiellement, le but fixé et rentrent au sein de la société profane (c.-à-d. non sacrée), transformés. En effet, ils reviennent avec un savoir inédit et un statut particulier. Le sacré se lit d’abord dans le cryptogramme qui livre son secret par hasard à Axel et non au scientifique. Il est en quelque sorte élu. Le document est par ailleurs runique et légué par un alchimiste du XVIe siècle, Arne Saknussen. Le périple sacré continue, dans la mesure où la découverte doit se faire à un moment très précis (le solstice d’été), ce que l’on retrouve dans les rituels religieux. Axel, le novice, doit quitter son environnement familier, son confort, marqué par les personnages stéréotypés de femmes pour que sont la bonne et la jeune amoureuse, pour se confronter à l’inconnu, avec la charge de réussir l’aventure pour pouvoir se marier avec la femme qu’il aime, Graüben. Le novice doit passer des épreuves préparatoires : les leçons d’abîme (nommées ainsi par le professeur Lidenbrock dans le roman), la rencontre avec un lépreux et l’épreuve physique de l’ascension du volcan. C’est lorsque le groupe arrive dans le cratère au chapitre 16 que la véritable initiation commence. On y retrouve à nouveau une ambiance presque sacrée : « Je me plongeais ainsi dans cette prestigieuse extase que donnent les hautes cimes, et cette fois, sans vertige, car je m’accoutumais enfin à ces sublimes contemplations. Mes regards éblouis se baignaient dans la transparente irradiation des rayons solaires, j’oubliais qui j’étais, où j’étais, pour vivre de la vie des elfes ou des sylphes, imaginaires habitants de la mythologie scandinave ; je m’enivrais de la volupté des hauteurs, sans songer aux abîmes dans lesquels ma destinée allait me plonger avant peu. » Les épreuves continuent par la suite lors de leur progression souterraine : le manque d’eau, l’égarement d’Axel dans le labyrinthe puis le miracle final dans la façon dont il retrouve son guide. Cette communication retrouvée avec son oncle est expliquée par un phénomène acoustique, mais apparaît assez mystique. Sa véritable initiation est sa descente folle dans les entrailles de la Terre lors de laquelle il perd connaissance. C’est lorsqu’il reprendra conscience dans la grotte qu’il sera véritablement transformé. Il devient à ce moment-là le héros du roman. Auparavant, il suivait l’expédition avec réticence, mais il gagne désormais en enthousiasme et prend en main les événements. Il plonge dans la mer intérieure et vit une sorte de rêve éveillé dans lequel il revient aux origines du monde : « Les siècles s’écoulent comme des jours ! Je remonte la série des transformations terrestres. Les plantes disparaissent ; les roches granitiques perdent leur dureté; l’état liquide va remplacer l’état solide sous l’action d’une chaleur plus intense ; les eaux courent à la surface du globe ; elles bouillonnent, elles se volatilisent ; les vapeurs enveloppent la terre, qui peu à peu ne forme plus qu’une masse gazeuse, portée au rouge blanc, grosse comme le soleil et brillante comme lui ». La symbolique est encore très forte quand il observe le geyser, symbole de vie (l’îlot sur lequel s’élève le geyser étant d’ailleurs nommé Axel par le professeur), et quand il vit une sorte de baptême du feu : « Ah quelle lumière intense ! le globe éclate ! nous sommes couverts par des jets de flammes ». Ce retour aux origines se conclut par le point culminant de la découverte de restes humains et de la vision d’un homme antédiluvien marcher au loin. Cet épisode constitue le point culminant dans la mesure où le groupe n’atteint pas le centre de la terre, et ce sont finalement les origines de l’humanité qu’ils ont trouvée. Ils retournent ensuite violemment dans le monde qu’ils ont quitté, une nouvelle fois à travers un volcan. Ce retour prend la forme d’une renaissance (ils sont d’ailleurs presque nus). Ils reviennent progressivement vers l’humanité. Axel devient véritablement un homme et peut demander la main de Graüben, ce qui était la récompense promise. Au départ présenté comme un jeune homme sans qualité ni ambition particulière, Axel s’affirme au fil de son initiation et donc du roman (plus courageux, plus impliqué, plus enthousiaste, plus impatient…). Un passage passablement surréaliste décrit par ailleurs l’impression d’Axel de transfert de l’âme du professeur dans la sienne : « L’âme du professeur avait passé tout entière en moi. Le génie des découvertes m’inspirait. J’oubliais le passé, je dédaignais l’avenir. » En plus des figures du novice et du mentor, nous retrouvons la figure de l’aide. Hans est un compagnon mystérieux et presque magique. Il est lié à toutes les forces telluriques bienfaisantes, et réussi à accomplir des choses que les autres n’auraient pu réussir seuls : il découvre le ruisseau, il soigne Axel avec un onguent de plante, et un aspect magique est perceptible dans sa description lors du naufrage.

Nous pouvons aborder pour finir le parcours associé science et fiction. A priori, la science et la fiction auraient plutôt tendance à s’opposer. En effet, la première se veut une observation objective et rigoureuse du monde, tandis que la seconde est liée à l’imagination et à la fantaisie. Mais ces catégories sont en réalité poreuses comme nous avons eu l’occasion de le voir au fil de notre analyse. Verne est souvent considéré comme le père de la science-fiction, au côté de l’écrivain Herbert George Wells (1866-1946) connu notamment pour son roman La Guerre des Mondes (1898). Ce terme s’impose à la suite du romancier américain Hugo Gernsback (1884-1967) qui l’utilise pour la première fois à la fin des années 1920, et qui a fortement contribué au développement du genre de la science-fiction. Auparavant, de nombreux auteurs et autrices avaient déjà publiés des textes où le voyage fantastique et/ou la science prenaient une place centrale. Nous pouvons citer notamment le très célèbre Frankenstein de Mary Shelley (1818) mettant en scène une créature conçue par un savant fou grâce aux pouvoirs de l’électricité, de même que, deux siècles plus tôt, l’Histoire comique des États et Empires de la Lune et du Soleil (1657-1662) de Cyrano de Bergerac (à ne pas confondre avec le héros fictif d’Edmond Rostand), qui décrit, bien avant Verne, le voyage d’un personnage sur la Lune. La critique a longtemps débattu pour savoir si l’œuvre de Verne appartenait réellement au genre de la science- fiction. Plusieurs chercheurs ont tendance à dire que non. Nous pouvons trouver parfois la distinction entre science-fiction et fiction scientifique, et Verne relèverait plutôt de la seconde. La différence serait à établir au niveau de l’utilisation de la science. Chez Verne, elle est matière à transmettre et a une visée pédagogique. La science-fiction tendrait au contraire plutôt vers une intégration de la science au récit, elle serait là simplement pour soutenir la fiction. Par ailleurs, la science-fiction se voudrait une représentation vraisemblable excluant la fantaisie à proprement parler : elle met en scène un monde proche du nôtre, dans lequel la science ou la technique sont simplement à un état plus avancé. Les thèmes privilégiés par le genre sont justement les voyages extraordinaires (par exemple spatiaux), les voyages temporels, les récits de robots et autres cyborgs, ainsi que les descriptions de nouveaux modèles de société. Verne est-il véritablement un visionnaire ? La question reste encore débattue aujourd'hui. La place centrale qu’occupe la science dans ses œuvres et les potentialités techniques décrites dans ses romans, en particulier celles permettant le voyage dans l'air et l'eau, sont éminemment novatrices. Il parvient à entrevoir le développement de technologies qui ne sont parfois encore qu'aux prémices. En ce sens, il est clairement visionnaire. Cependant, il est difficile de décrire Verne comme un précurseur technique ou scientifique, dans la mesure où il n'a inventé aucune technologie en tant que telle. En effet, il a toujours fondé ses romans sur des bases scientifiques et techniques solides, comme il le dit lui-même. Il extrapole, transpose et combine différentes techniques contemporaires, voire déjà anciennes, en leur apportant certains perfectionnements. Nous pouvons citer l'exemple du sous-marin Nautilus, issu de l'ouvrage Vingt Milles Lieues sous les mers, publié en 1870. Le sous-marin de Verne semble prendre son origine entre autres, dans le Nautilus de Robert Fulton élaboré en 1800. La navigation sous-marine est par ailleurs au cœur de l'actualité dans les années 1860, comme en témoigne la multiplication des projets d'engins sous-marins, ainsi que les modèles présentés à l'Exposition universelle de Paris de 1867. Verne a recours a des techniques existantes pour expliquer le fonctionnement de son Nautilus, tout en accordant une grande place à l'électricité. Malgré de nombreuses imprécisions et zones d'ombre dans les descriptions de dispositifs de son œuvre, le recours à l'éctricité, technique encore peu démocratisée en cette fin de XIXe siècle, permet à Verne de mettre en scène une machine moderne et puissante. Les premiers sous-marins à propulsion électrique verront le jour dans les années 1880. Verne lui-même ne se rattache pas à l’anticipation scientifique. Il souligne dans des entretiens l’importance de se baser sur des faits scientifiques réels : « Dans mes romans, j’ai toujours fait en sorte d’appuyer mes prétendues inventions sur une base de faits réels et d’utiliser pour leur mise en œuvre des méthodes et des matériaux qui n’outrepassent pas les limites du savoir-faire et des connaissances techniques contemporaines […] Les créations de Mr. Wells appartiennent résolument à un âge et à un degré de connaissance scientifique très éloigné du présent ». Il énonce directement une filiation avec Wells, un auteur clairement de science fiction et même s’il s’en distancie clairement : « […] mon objet n’était pas de prophétiser, mais d’apporter aux jeunes des connaissances géographiques en les enrobant d’une manière aussi intéressante que possible. Dans chacun de mes livres, tout fait géographique ou scientifique a été l’objet de recherches attentives, et est scrupuleusement exact. » (entretien de 1902). Il recherche véritablement la vraisemblance scientifique. Il était d’ailleurs un très grand lecteur et lisait énormément d’ouvrages scientifiques, de revues, d’ouvrages de vulgarisation etc. Dans l’œuvre de Verne, le réel est toujours associé à l’imaginaire et au merveilleux. Comme si la multiplication de références réalistes et scientifiques servait à ne pas tomber totalement dans l’imaginaire. Nous pouvons néanmoins citer le rôle clef qu’a joué l’œuvre de Verne dans l’élaboration du genre science-fictionnel, et également, bien plus tard dans le développement du courant steampunk des années 1980 (et plus tard), principalement littéraire, qui revendique une esthétique rétrofuturiste et s’inspire des techniques du XIXe siècle comme la machine à vapeur (steam en anglais) ou l’utilisation massive de charbon. La science-fiction demeure un genre extrêmement fécond et a connu des auteurs très célèbres comme Georges Orwell, Aldous Huxley ou Philippe K.Dick, au XXe siècle, qui a créé le fameux « minority report ». En France, l’auteur contemporain Alain Damasio a publié plusieurs nouvelles et romans, renouvelant le genre de la science-fiction.

Nous allons maintenant conclure avec quelques éléments à retenir. Verne est un auteur parfois décrié et cantonné dans un genre particulier : celui du roman d’aventure scientifique destiné à la jeunesse, sans véritable recherche de style. Il n’a en cela pas vraiment obtenu la reconnaissance littéraire qu’il attendait, et ce, même encore aujourd’hui. Malgré ces quelques réticences, Jules Verne reste un auteur central de la littérature française. Il a connu un très grand succès de son vivant, qui est encore clairement perceptible aujourd’hui. Il est un auteur international, un des plus traduits au monde, et sûrement plus apprécié à l’étranger qu’en France. Sa volonté pédagogique de transmission des savoirs scientifiques a marqué sa très importante production littéraire et a permis de développer des récits passionnants mettant en scène des régions reculées du globe et de l’espace. Différents romans, dont Voyage au Centre de la Terre, ont connu de nombreuses adaptations cinématographiques et ont marqué et fait rêver des générations de jeunes et de moins jeunes. J’espère que cela vous aura aidé et bon courage pour vos révisions ! 

Introduction
Brève biographie de Victor Hugo
Contexte historique
Le projet éditorial
Mouvement littéraire
Bref résumé de l'œuvre
Thèmes et axes d'analyse pour cartonner à tes épreuves de Français
Conclusion